Alain Nadaud
Petit catalogue des nations barbares
1999
C’est en allant à la Bibliothèque nationale de France pour faire des recherches sur les iconoclastes que j’ai trouvé un ouvrage étrange. Il était censé dresser l’inventaire de tous les peuples barbares qui avaient tenté de prendre d’assaut Constantinople et qui s’étaient heurtés à ses fortes murailles. Le titre était approchant de celui-ci mais ne comportait que les premières lignes : « Tous les peuples originaires.. » Tout le reste était manquant. Je n’ai donc eu qu’à me laisser aller à l’inspiration pour compléter les pages laissées en blanc.
« Tous les peules originaires…
Dominique Médard a dessiné les gravures qui s’y rapportent et Sadika Keskes a réalisé les pâtes de verre.
L’Or du temps, 1999
Beau livre, illustré, 48 p.
Articles de presse
Pages en construction
"Mettre à l'abri toutes les images du langage et se servir d'elles, car elles sont dans le désert où il faut aller les chercher." Cette phrase de Genet, qui accompagnait une précédente exposition de Dominique Médard, convient assez bien à l'univers du romancier Alain Nadaud. Le lien a peut-être suffi pour que l'artiste prenne pour son nouveau défi littéraire un texte d'Alain Nadaud.
"Petit Catalogue des nations barbares" est un fragment de L'Iconoclaste, qui n'a pas trouvé place dans le roman. Pour mettre en scène cette obséante litanie de barbares improbables - liste de peuples imaginaires qui retrouve le goût de l'énumération si prisé depuis L'Iliade -, Dominique Médard a dessiné les corps voluptueux, allègres et colorés, qu'elle aime mêler aux éléments du monde végétal.
L'exposition de Dominique Médard est complétée par le superbe travail de l'artiste verrière tunisienne Sadika Keskes. Passionnée par les techniques ancestrales que, après des études à Murano, elle a retrouvées dans les pratiques phéniciennes et carthaginoises, la jeune femme a réalisé dans son atelier de Gammarth une série de bas-reliefs en pâte de verre qui revisite le texte du "Petit Catalogue" comme les gravures de Dominique Médard.
Elles sont réunies au couvent de Morsiglia (Haute-Corse) grâce à Marie Pinoteau, une artiste qui partage son temps entre ses ateliers de Lyon et de Brando. Elle a choisi ce beau site du versant occidental du cap Corse pour "croiser" ces mémoires méditerranéennes entre invention mythique et réminiscence historique."
Philippe-Jean Catinchi, Le Monde
Gravure de Dominique Médard
Pâte de verre de Sadika Keskes
Tous les peuples...
Tous les peuples originaires des îles du nord et des confins de l’Héspérie : les Goths, appelés également Scythes, ou encore les Gètes, nation tumultueuse et composite qui comprend les Sylores, les Adogits, les Créfennes qui consomment la chair blanche des oiseaux, les Theusthes, les Vagoths qui vivent de l’air du temps, les Hallins durs à la tâche, les Suéthans qui se livrent au commerce des peaux saphirines, les Liothides, les Athelnils, inégalés constructeurs de murailles, les Finnaithes, les Fervirs aux doigts percés de clous de cuivre, les Gautigoths, race farouche, les Evagères qui vivent au milieu des marais, les Sucombres, les Othinges, grands pourfendeurs de rochers, les Raumarices, les Rustholes, qui naviguent sur l’eau des rêves, les Raugnariciens, les Finois aux moeurs très pures, les inoviloths, les Suétides qui eurent pour ancêtres les dieux Frigidern et Widicula, les Cogènes, qui se cousent des parures en queues de rats, les Granniens, les Aganzies, les Unisces qui se font dresser les cheveux sur la tête, les Ethelruges qui vénèrent les mouches vrombissantes, les Arochniranes qui, comme leur nom l’indique, élèvent des araignées, les Ulméruges, les Ovimes qui passent pour avoir peuplé les premiers les terres de la Scythie, les Spanes, les Histériens qui s’agitent et prennent toutes choses de haut, les Sères, les Gépides sur lesquels Ablabius a écrit les pires choses avec talent, la tribu acariâtre et populeuse des Whinides, les Sclavins, les Antes qui vivent dans des caves, les Vidioariens, qui ne boivent que de l’eau des sources, les Itemestes, les Agazzires qui piétinent leurs propres moissons, les Auziagres, les Aviri, les Hunnagares, qui font tout à cheval, les Amales aux dents cariées, les Lazes, les Roscolans que gouverna Dicénus le Boroïste, les Tamazites dont hommes et femmes vivent chacun d’un côté et de l’autre de la rivière, les Sarmates qu’aima et combattit le poète Sextus Publius Galba, les Bastarnes, les Marcomans, les Piduzes, chaussés de sandales en peau humaine, rehaussées de pointes, les Guales, les Garpes, les Peucènes qui s’offusquent d’un rien, les Volusques, qui puent de la bouche, les Thrènes, les Astinges, les Hermundures qui se battirent sous les ordres de l’esclave Sitalcus, les Thuides, les Aunxes, qu’on n’attendait plus, les Vasinabronces, les Agathyrses qui servent le dieu Foncle, les Polivés qui se chamarrent le corps de poudre d’améthyste, les Tamurses, lents à la détente, les Exes, les Ivoines avec leurs frères les Pilures, les Mérens, les Mordeusimmes qui chassent l’homme au harpon, les Cares, les Roces, les Tadzans, doués dans la fabrication de chariots bâchés d’écorce, les Athuals, les Navegos dont personne n’a réussi à parler la langue, les Bubegentes, les Coldes que nul ne connaît, les Aliorumes, les Ramaxis, frères en désespoir avec les Tardes, les Alipzures, les Teusquins, les Alcizures qui se prétendent leurs cousins, les Itamares dont l’existence reste incertaine, les Dogmares, les Boïsques qui dorment dans les branches, les Roxolans, nation perfide, les Litiems, les Neures qui attaquent par derrière, les Pacédemes, les Xalmoces, les Tendres aux jambes trop longues, les Bourgues dont l’auteur eut à souffrir, les Gélons qui arrachent la peau des morts pour s’en faire des housses de cheval, les Mélanchènes, qu’on dit collection neurs d’oreilles, les Gruthongues, qui insultent le feu en pissant dedans, les Fibures, les Pastes, aptes à dormir debout, les Ramires, les Péligastes, les Gérons qui s’incrustent des bijoux dans la chair, les Fulfes, les Agards, qui eurent pour chef Thaméris, les Thornes, les Discires, et tous ceux dont je ne me rappelle plus le nom...
Alain Nadaud
Bibliographie
Les années mortes
(autobiographie)
Alain Nadaud
2004