Alain Nadaud
Désert physique
1987
Denoël, 1987
Roman, 228 p.
Une mission archéologique se rend à Tello Baraïh, dans le Bas-Samrud, région désertique où serait apparue l’écriture il y a quelque 3700 ans avant notre ère. Dans un climat de suspicion générale, dû en partie à la montée des risques de guerre avec le pays voisin, l’un des membres de l’expédition nous livre les pages du journal qu’il tient sur le terrain. Jour après jour sont ainsi rendus la vie du chantier, le travail harassant de la fouille et, entre chaleur et poussière, le lent dégagement de l’ancienne cité de Kirk-Dohuk. La découverte de quelques tablettes d’argile et d’une statue pourront faire croire aux chercheurs que la grande bibliothèque de Sakkyah-Iptah, dont l’existence passait pour légendaire, leur est à portée de main. Mais la brève et violente passsion qu’éprouvera le narrateur pour une adolescente des marais provoquera une rixe mortelle avec les populations des alentours et, par voie de conséquence, une série d’incidents. Un grave éboulement, des complications avec les autorités locales, la solitude puis la maladie conduiront l’auteur de ce journal jusqu’à la désertification de lui-même et le plus extrême dépouillement.
Il y a du roman d’initiation dans la traversée de cette suite de cercles concentriques qui constitue autant la géographie du site que la succession des épreuves que devra endurer le narrateur jusqu’à l’éblouissement final, cette révélation à laquelle il ne s’attendait plus.
Articles de presse
"Alain Nadaud a désormais achevé sa fascinante remontée du temps, jusqu'à la source de l'écriture ; il touche enfin à ces limites extrêmes, après lesquelles commence l'en deçà de la conscience, sa protohistoire. Désert physique : on discerne maintenant combien des œuvres antérieures comme l'Envers du temps et Voyage au pays des bords du gouffreconfluaient vers ce texte capital, qui pose dans leur indissolubilité la question du temps et celle de l'écriture. (…)
Rarement romancier avait manifesté d'une manière aussi incandescente la fonction élémentaire et vitale de l'écriture, sa rémanence longtemps après la disparition de la conscience qui a commandé à la main son tracé. Quelques traits malhabiles, de simples signes comme antidote au vide d'avant et d'après nous: Désert physique ou le roman de l'impérieuse nécessité du roman."
Jean-Claude Lebrun, Révolution
"Alain Nadaud nous offre un bien beau roman ; beau par sa simplicité. Simplicité du récit qui se déroule, limpide, au fil des événements ; simplicité de la narration, qui prend la forme d'un journal intime ; simplicité du symbolisme, qui touche à l'universel. Désert physique se déguste vite – c'est un roman à suspense – et laisse songeur sur ses implications profondes. De la belle ouvrage."
Aurélien Ferenczi, Le Quotidien de Paris
"Saluons à nouveau la puissance d'invention d'Alain Nadaud. Sobrement, avec une poétique économie de moyens et un très bon sens de l'intrigue, celui-ci parachève une plus sourde exploration, ouverte par Archéologie du zéro et poursuivie par L'Envers du temps, où tout langage bute au pied de la lettre face au vide – au trop-plein – du commencement."
J.-M. de Montremy, La Croix
"C'est Jorge Luis Borges qui plane comme une ombre bienveillante sur les romans d'Alain Nadaud.(…) Sous le canevas romanesque, le lecteur éprouve essentiellement un plaisir de l'intelligence. Original. Le livre est servi par une écriture classique et dense."
L. L., Le Point
"Alain Nadaud a écrit ici un grand roman d'aventures qui se développe autant vers l'action que vers la profondeur de la réflexion sans qu'aucun des deux chemins suivis ne desserve jamais l'autre."
Pierre Maury, Le Soir de Bruxelles
Architexture
Ce roman aménage dans la fiction ce qui avait été abordé dans "Lettre de Mésopotamie" par rapport à l'invention de l’écriture. Il reprend, sur une base autobiographique (Mon séjour de deux ans à Bassorah, en Irak, et le ramassage de tablettes d’argile, couvertes d’écritures cunéiformes, sur le site de Tello), ce qui n'avait pas cessé de tarauder jusqu'ici (Cf. "Le Chant de l’encre"), c’est-à-dire la tentative d’un retour à la source, à ce point d’origine d’où "ça" s’écrit.
C’est ainsi que l’archéologue-narrateur fait la découverte d'un cercle de pierres noires qui restitue les traces d’un culte matriarcal. Ce site se présente comme le lieu fossilisé d’une sorte de scène primitive dont on ne sait rien. Mais à peine s’aperçoit-il que la mère a joué un rôle sacrificiel dans ce surgissement de l’écriture que les tablettes de la bibliothèque tant convoitée viennent affleurer à la surface du sol, et cela au moment même où la guerre s'apprête à les engloutir de nouveau, à les effacer à jamais.
Bibliographie
Les années mortes
(autobiographie)
Alain Nadaud
2004