Alain Nadaud
Voyage au pays des bords du gouffre
1986
Denoël, col. L'Infini, 1986
Nouvelles, 192 p.
Prix de la nouvelle du Rotary Club, Paris
"Tous, d'une même voix, nous ne pûmes à ce moment réprimer un cri à la fois de surprise et d'angoisse : nous venions de toucher aux extrémités du monde et, juste devant nous, à peine à quelques pas, la terre s'arrêtait là, selon le tracé d'une arête inégale et légèrement concave."
Extrait de la nouvelle titre.
La nouvelle, c'est la guérilla ; non seulement contre les genres institués et dominants (roman, biographie, mémoires, etc.) qui forcent le nouvelliste à adopter une position de franc-tireur, mais aussi contre soi-même. Car la nouvelle entend réaliser la gageure de se pencher au plus près du bord de ce gouffre d'où l'écriture même sourd et brusquement surgit. Et ce qui lui donne justement sa texture et sa spécificité, c'est que la position est à ce point stratégique et intenable qu'on ne peut s'y accrocher guère plus de quelques pages. Voilà une des raisons essentielles de sa brièveté.
Extrait de la préface
Articles de presse
"Pas l’ombre d’une austérité, d’une emphase. Chaque récit est la simplicité même (la complexité aussi !) et parle à notre imagination. Et tant pis ou tant mieux si le lecteur découvre très vite que chaque variation a les mêmes trois petites notes de musique."
Michèle Gazier, Télérama
"Pour Alain Nadaud le réel est un préjugé arbitraire, sa seule réalité réside dans le monde latent de l’imaginaire. (…) « Voyage au pays des bords du gouffre » repose sur cette dimension essentielle de l’écriture d’Alain Nadaud : le paradoxe, véritable moteur intellectuel de la philosophie. (…) Avec ce « Voyage », Alain Nadaud augmente la « bibliothèque de Babel » de quelques manuscrits arrachés à l’incendie de celle d’Alexandrie et, s’instituant « doxographe » de l’imaginaire, contribue à recomposer quelques lambeaux de l’envers du monde."
Jean-Didier Wagneur, Libération
"Presque tous les personnages de ces nouvelles, de siècle en siècle, de continent en continent, ont une même obsession : écrire. Contractée, tenue dans la brièveté de la nouvelle, l’imagination d’Alain Nadaud est encore plus inquiétante que sur la longue distance romanesque. En quatorze énigmes, il bâtit un étonnant roman noir de l’écriture."
Josyane Savigneau, Le Monde
"Bref, un livre qui confirme la vitalité des moins de quarante ans. La relève, sur laquelle il est parfois de bon ton de soupirer, s’annonce bel et bien."
J.-M. de Montremy, La Croix
Architexture
Le bandeau et la préface annonçaient : "la nouvelle, c’est la guérilla". C’est-à-dire que, au contraire du roman qui aménage la traque dans la durée, la nouvelle agit par surprise, tente des incursions éclairs pour prendre de court les résistances, déjouer leur vigilance et accéder à cette vérité qui se dérobe.
Plusieurs nouvelles illustrent ce propos : “Le Chant de l’encre”, qui constitue sans doute, pour ce qui est de la remontée à la source du texte, l'expérience la plus radicale ; “Voyage au pays des bords du gouffre”, qui prend acte des pouvoirs de l'écriture pour imposer à l'esprit du lecteur une expérience limite. Cette fiction, tout entière construite sur l’exploration paradoxale des confins, a pour objectif de faire se dérober le sol sous les pas des voyageurs - et la réalité sous les pas du lecteur -, leur fournissant l'opportunité de contempler, une fois parvenus aux extrémités de la terre, “la pure figure du néant”.
D'autres nouvelles s'appuient sur la prééminence symbolique, absolue, mais aussi déréalisante, et même mortelle du signe écrit : “Le Droit à la virgule”, “La Faute”, “Exil en Grande-Scripturie”, etc.
On s’apercevra aussi que ce recueil a, comme "La Tache aveugle", été la matrice de plusieurs romans, par des textes qui en esquissaient par avance les contours : “L’Iconoclaste” pour "L'Iconoclaste" ou “Le Buisson ardent” pour "Le Livre des malédictions".
Bibliographie
Les années mortes
(autobiographie)
Alain Nadaud
2004