Alain Nadaud
L'envers du temps
1985
Denoël, col. L'Infini, 1985
Roman, 272 p.
Chargé de surveiller les côtes proches de l'embouchure de la Séquane, puis de convoyer des chariots bourrés de manuscrits, avant de tomber dans une embuscade qui changera le cours de son existence, Julius Marcellus, légionnaire gaulois (1er siècle après J.-C. ?), ne peut s'empêcher de déceler, à l'œuvre dans la réalité, d'imperceptibles décalages, comme autant d'indices qui le porteront à s'inquiéter de la façon dont s'enchaînent les événements. Poussant au plus loin ses soupçons quant à certaines irrégularités dont se trouverait affecté le cours dit "normal" des choses, et s'obstinant dans une enquête qui le conduira d'Autun à Rome, puis de Rome en Palestine, il finira par réunir juste assez de preuves pour s'apercevoir avec terreur que le temps régresse et précipite avec lui, du futur vers le passé, l'humanité dans l'oubli d'elle-même, la préhistoire et le chaos.
Après "Archéologie du zéro", Alain Nadaud ouvre ici encore plus largement la voie du "roman d'aventures métaphysique". Une fois pris au piège de cette hallucinante glissade à reculons, le lecteur se surprendra, tout au long de ce récit, à jeter des coups d'œil effarés sur ce qu'il croyait jusqu'ici être sa propre modernité.
Articles de presse
"Avec Archéologie du zéro, Alain Nadaud n’avait pas seulement révélé son originalité, mais, outre des qualités formelles peu ordinaires, un goût assez sûr des cheminements pervers de la logique et une aptitude personnelle pour la traversée des miroirs. Son dernier livre nous le confirme. Il me laisse tout à la fois perplexe et fasciné. Les romanciers n’en finiront donc jamais de malmener, de déchirer, de sublimer, de renverser le temps ! Encore qu’avec Alain Nadaud, nous ayons confusément l’impression d’atteindre le point limite d’un jeu grandiose. (…) L’idée est fabuleuse, c’est le cas de le dire. Et cette histoire insensée, je veux dire : dont le sens est inversé, est menée de main de maître. (…)
Ce livre n’aurait pu être qu’un habile tour de force, il est, au sens le moins figuré du terme, bouleversant et renversant."
André Brincourt, Le Figaro
"L’Envers du temps n’est pas pour autant, comme l’ont dit certains, un essai déguisé en fiction. C’est un "vrai" roman d’aventures, avec ses péripéties et le style rapide qui leur convient. (…)
Le désir d’écrire de la fiction ne dispense pas nécessairement de penser. Italo Calvino et Umberto Eco l’ont largement prouvé. Alain Nadaud, qui ne désavouera sans doute pas leur parrainage, a bien l’intention d’en faire autant, et il a magnifiquement commencé."
Josyane Savigneau, Le Monde
"Il s’agit du livre le plus original d’une rentrée pourtant déjà peu banale. Et surtout une œuvre d’écrivain avec laquelle on devra compter. Qui a dit que la littérature française s’étiolait ?"
Jean-Maurice de Montremy, La Croix
"Et si l’histoire faisait soudain machine arrière ? Et si nous étions déjà en train de revivre, en sens inverse et sans pouvoir influer sur elle d’aucune manière, notre propre histoire ? Il y a pire que l’Apocalypse et ses trompettes du jugement, ce serait cette condamnation à la dernière répétition avant que le cycle définitivement ne se boucle. Telle est la fable philosophique que monte Alain Nadaud avec ce deuxième roman, L’Envers du temps, et qui, précisons-le, doit plus aux premiers physiciens grecs qu’aux variations de la science-fiction depuis Wells sur la machine à remonter le temps. Retour aux Grecs donc, pour en finir avec la vision chrétienne de l’histoire ? Vous pourrez vous-même choisir."
Jean-Paul Morel, Le Matin
"Sur un des thèmes favoris de Borges, illusion du temps et éternel retour de l’Histoire, Alain Nadaud, auteur remarqué d’Archéologie du zéro, exploite avec brio et dans un style impeccable les virtualités esthétiques de la métaphysique."
Bruno de Cessole, Les Nouvelles littéraires
Si la SF donne sur la scène de l'édition française une impression de repli, son influence ne cesse pas de s'exercer au-dehors des strictes frontières du genre. Ainsi dans les romans d'Alain Nadaud, qui nous arrivent affublés de l'étiquette « roman d'aventures métaphysique ». On croirait entendre une définition de la SF, et, plus « littérateur d'idées » encore que bien des auteurs de SF, Nadaud lance ses personnages dans de longues considérations qui se fondent sans le moindre guillemet dans le corps du texte, un peu au détriment de l'action.
Mais de l'action, il y en a : Julius Marcellus, militaire gallo-romain dans un Empire en rétraction, est ballotté de ville en ville par l'émergence d'une identité gauloise et ses recherches sur un passé dont les habitants maîtrisaient des technologies beaucoup plus avancées ; en témoignent les restes de leurs routes, de leurs tunnels, de leurs parkings souterrains... On se croirait dans En attendant l'année dernière ! A ceci près que les gens naissent et meurent normalement ; c'est le cours de l'Histoire qui est touché, pas la vie quotidienne, d'où un sentiment d'illogisme qui conduit Julius à s'interroger sur son monde, beaucoup plus que ne le feraient les protagonistes des récits de SF, qui ont appris depuis Heinlein à ne pas faire l'article sur les choses étranges qu'ils côtoient !
Mais Julius est un intellectuel dans l'âme ; il s'interroge sur le monde qui l'entoure, il ne se satisfera pas de la vérité acceptée... un peu comme chez Dick, finalement. Nadaud écrit brillamment, et nous amène en conclusion à un autre Retour, qui paraît a posteriori incontournable. Vous ne regretterez pas de découvrir ce roman.
https://www.noosfere.org/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146572856
Architexture
La rédaction de ce roman m'a permis de déjouer et de contenir la dépression – et la régression - causée par les douze refus que m'ont adressés les éditeurs alors qu’"Archéologie du zéro" n'était encore qu'à l'état de manuscrit. Il fait basculer la fiction de l’autre côté du miroir que forme le cercle qui entoure le vide, et par quoi est transcrit le zéro. En toute logique, il débouche donc sur un monde en négatif : le "moins un".
Dans le vertige de ce voyage à rebours, de cette plongée dans un univers où se perd progressivement l'usage de la lecture et de l'écriture, il tente l’expérience d'une quête des origines pour partir à la recherche de l'événement fondateur - la naissance du Christ -, plaque tournante du calendrier à partir de laquelle se partagent les jours en négatif d'un côté, et en positif de l'autre. Ce roman reprend la métaphore d'une remontée du cours de l’écriture, comme on remonterait ligne à ligne jusqu’à la première lettre et, bien au-delà encore, jusqu'à l'absence qui la précède (Cf. "L’Enluminure", revue "Minuit"). Si l’écriture représente bien la figure linéaire du temps tel qu’il s’étire au fil des pages, "L'Envers du temps" essaie, dans un effort désespéré et mortifère, d'en atteindre l’origine, à savoir l'événement qui lui a donné naissance, de parvenir au déchiffrement de ce à partir de quoi s’est mise en place une vocation d’écrivain.
Bibliographie
Les années mortes
(autobiographie)
Alain Nadaud
2004